LES GRANDS PARISIENS // LIA ROCHAS-PÀRIS, ‘LE CAFÉ MATINAL’

Dans le cadre de notre conférence ‘Les Grands Parisiens’, nous sommes allés à la rencontre de parisiens intra et extra-muros qui font voir la vie en Grand. Nous partageons les histoires de celles et ceux que nous avons interviewé.

Lia nous a invité chez elle, un matin pour discuter autour d’un café maison. Pour une fois, elle s’est retrouvée à la place de ceux qu’elle invite et interviewe pour ‘Le Café Matinal’. Artiste dans sa chair et dans son sang, elle manie les mots et les images avec sensibilité dans ses romans photos, comme dans la vie…et regarde à travers les verres de ses lunettes, qu’elle ne quitte jamais, le Grand Paris se dessiner de son 13ème arrondissement. Rencontre.

 

MON HISTOIRE

« Je suis née à Paris et j’ai grandi dans le Paris cliché, le Paris romantique. puis dans le 13ème; deux mondes à part.

Je vis en équilibre entre des projets créatifs et artistiques, tout en ayant le besoin d’avoir la tête dans les bouquins. Je suis une hyperactive pathologique, je fais au moins deux choses à la fois avec toujours l’envie de nouveaux projets ou de nouvelles rencontres.

À 18 ans j’ai commencé par être styliste photo tout en continuant d’aller à la fac. J’ai fait de la vidéo, j’ai commencé à faire mes collages. En 2010, j’ai démarré les premiers romans photos. Je les montais avec des copines, dans des endroits anecdotiques, comme chez Colette, dans des galeries ou au festival de Hyères. Cette édition était un peu la maman du «  café matinal »  et je suis ravie d’avoir garder le témoignage de cette époque ou j’étais encore frileuse à l’utilisation d’Instagram comme medium de communication.

LE ROMAN PHOTO

Le roman photo est un paradoxe. Il peut être catalogué de désuet par son côté un peu cliché mais est aussi très contemporain par sa façon d’intégrer du texte à l’image. Cela apporte une deuxième lecture, c’est une autre façon de diffuser une idée et de la partager.

Le roman photo c’est aussi la création d’une illusion. Le collage se fait après et le texte ne correspond pas forcément à l’image. Ça questionne le concept d’immédiateté qui est hyper présent aujourd’hui.

  

LE CAFÉ MATINAL

Avec le roman photo et mon projet «  Le Café Matinal » je vais à la rencontre de différentes personnalités, je les laisse choisir un café dans lequel elles se sentent à l’aise et je les fais parler d’eux, de leur travail.

PARISIENNE DE PARIS

Petite, j’habitais près du Marché Aligre, c’était l’esprit village, il y avait le marché. Je vivais dans un immeuble haussmannien, alors lorsque nous avons déménagé dans le 13ème, c’était un choc au début. Au début, je trouvais ces grandes tours horribles. Et puis, c’est comme avec une nouvelle musique qu’on découvre, à force de l’écouter, on s’y habitue et on se met à l’aimer. J’ai commencé à apprécier les lumières des néons, l’architecture du quartier. Je me sens chez moi, ici j’aurais du mal à en bouger même si le 13ème est hypermoderne et qu’il n’y a rien d’authentique. Je vis à nouveau depuis 2 ans dans ce quartier,  après avoir vécu dans le 3ème,  le 5ème et le 17ème arrondissement. Ce que j’aime ici c’est la vie qui se créée entres toutes ces personnes différentes qui cohabitent. Ici, tu peux sortir en jogging rose pour faire tes courses, tout le monde s’en fiche, moi la première. C’est déjà la banlieue ici…on ne fait plus face au snobisme parisien.

LE GRAND PARIS

Pour moi, le Grand Paris, c’est une vision utopiste. On vit dans une drôle d’époque où il n’y a déjà plus de frontières depuis qu’on peut tous se rencontrer sur les réseaux sociaux, on peut dépasser nos propres frontières. On ne peut pas non plus vouloir créer une identité unique. Chaque quartier ou chaque banlieue à son histoire, son identité comme Pigalle, Barbès ou les habitants de Chinatown. Ils se créent des minis villages. Un parisien qui déménage à Montreuil, Pantin ou Saint-Ouen recherche une vie de quartier, dans une banlieue vivante avec des ateliers, des galeries d’art ou des cafés sympas. Il y a 15 ans, mon frère était un des premiers bobos à déménager à Montreuil. Il s’est acheté avec des amis une veille usine qu’ils ont retapé en grande maison, pour y vivre tous ensemble.

Finalement, la vraie frontière à Paris n’est pas une frontière Nord/Sud mais une frontière Est/Ouest. Pour moi habitante du 13ème, je vais très facilement à Montreuil, alors que me rendre dans le 15ème, c’est le bout du monde.

Si je devais réaliser une œuvre pour représenter le Grand Paris, je ferais certainement un collage. En effet, le collage, c’est la coïncidence, c’est l’ouverture. C’est aussi ça Paris et le Grand Paris. »