En revue (M le Monde) : La Mode à la Barre « Copié-Tollé : Zara copié-collé par une éphémère marque californienne »

Chaque été, le M Le Magazine du Monde explore en profondeur des sujets ou des objets de mode, à travers ses séries d’été. 

Ce trimestre estival 2023, dans « la Mode à la barre » la journaliste Sophie Abriat a choisit de décortiquer certains litiges en matière de création. LeherpeurParis a apporté son éclairage sur le cas Zara versus Thilikó, un « label-écran » californien accusé par l’enseigne espagnole d’avoir utilisé frauduleusement des vêtements et des visuels de la marque, au détriment du consommateur.

LA MODE À LA BARRE 3/6 ZARA CONTRE THILIKÓ – COLLAGE VIRGINIA ECHEVERRIA WHIPPLE POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE ». D’APRÈS PHOTOS PASCAL SITTLER / REA. CAPTURES D’ÉCRAN WEB THE FASHION LAW

 » Au début de l’année 2023, Zara, régulièrement taxé de copieur, s’est retrouvé au cœur d’une affaire de contrefaçon et de greenwashing, revêtant cette fois-ci les habits de l’accusateur. Dans une plainte déposée devant un tribunal fédéral de New York, l’enseigne espagnole reprochait au label de prêt-à-porter californien Thilikó de vendre sur son e-shop des vêtements ressemblant en tout point aux siens, et de reproduire à l’identique des photos de ses looks au mépris de ses droits de propriété intellectuelle.

D’une plate-forme de vente à l’autre, rien ne changeait ou presque… Si les visuels étaient semblables, la description des modèles insistait sur leur dimension écologique, vantant une composition dite « responsable », et les prix des vêtements, eux, avaient été multipliés par cinq, parfois par sept. Une robe vendue 49,90 dollars (45 euros environ) chez Zara passait à 328 dollars (292 euros environ) chez Thilikó.

Autre sujet de discorde, l’enseigne de fast-fashion affirmait que ses étiquettes avaient été retirées de ses vêtements (possiblement achetés dans ses boutiques) pour être remplacées par celles griffées Thilikó. La supercherie semblait grossière… Car cette marque de Los Angeles, créée en 2021, avait vu l’un de ses produits être recommandé par Vogue et était distribuée chez Wolf & Badger, un concept store qui réunit des marques écoresponsables, acquérant un début de notoriété dans le milieu de la mode.

Alors, Zara, arroseur arrosé ?

Zara accusait Thilikó de s’être livrée à une série de violations de droits d’auteur et d’actes de publicité mensongère et de concurrence déloyale afin d’induire les consommateurs en erreur quant à la source et à la nature des vêtements et accessoires vendus sur son site. Selon Zara, le label californien avait poussé le vice jusqu’à se présenter comme « une marque de mode indépendante, l’artisan des modèles de ses collections ». Au regard de ces actes répréhensibles présumés, elle alléguait avoir « subi des dommages monétaires substantiels, ainsi qu’un préjudice du fait d’une atteinte à sa réputation commerciale ».

Alors, Zara, arroseur arrosé ? « A première vue, on se dit que c’est l’hôpital qui se moque de la charité, mais en regardant de plus près, les méthodes des deux marques n’ont rien de comparable. Zara a l’habitude de jouer sur la ligne fine entre inspiration et copie, en réinterprétant des tendances avec un travail de stylisme ; ici, Thilikó est accusé de se livrer à un simple copier-coller, explique Morgane Pouillot, planneuse ­stratégique chez Leherpeur Paris. Chez Zara, le consommateur sait qu’il va trouver des pièces inspirées des défilés, il achète en connaissance de cause l’allure du moment à un prix accessible. Le fondateur de la marque, Amancio Ortega, a d’ailleurs toujours défendu cette idée de démocratisation de la mode. »

Plus encore, Zara reproche à Thilikó de vendre ses produits en les présentant comme écoresponsables. Mais aussi d’avoir augmenté ses prix pour rendre plus crédible sa pseudo-démarche environnementale. « C’est le consommateur qui est doublement dupé dans cette affaire », commente Morgane Pouillot. Si jusqu’alors Zara n’agissait qu’en défense et quasiment jamais en attaque, la marque espagnole « change de camp pour rejoindre celui des copiés, redorant au passage son image », poursuit la spécialiste. Une mutation qui accompagne sa stratégie de montée en gamme.

Doublée par plus rapide et moins chère

Depuis quelques années déjà, Zara multiplie ainsi les collaborations avec des labels pointus, comme Kassl Editions, Narciso Rodriguez ou encore Studio Nicholson, et fait appel à des stylistes renommés, tels qu’Emmanuelle Alt (ex-rédactrice en chef de Vogue Paris) ou encore Karl Templer (ancien directeur artistique du magazine Interview), afin d’illustrer sa « conscience créative ».

Elle va même plus loin en commissionnant les plus grands photographes de mode pour shooter ses lookbooks et ses éditos. Fin 2021, la marque lançait aussi Zara Atelier, des collections vendues de trois à quatre fois plus cher que ses autres lignes, insistant sur la dimension « artisanale » des produits. Depuis avril 2022, ce plan d’action est piloté par Marta Ortega Pérez, la fille du fondateur de l’enseigne.

Par ailleurs, Zara ne semble pas avoir d’autre choix que de se rapprocher des codes du luxe et de soigner son image de créateur alors qu’elle est doublée par plus rapide et moins chère qu’elle. Ce qu’on appelle l’« ultra-fast-fashion », incarnée par l’enseigne chinoise Shein, qui fabrique encore plus vite et à plus bas coût, usant de méthodes marketing ultra-agressives qui poussent à la surconsommation. Zara propose à la vente environ 20 000 nouvelles références par an, alors que Shein réaliserait ce chiffre en quelques jours seulement.

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