En revue (ELLE) : Sublime Gothique – La spiritualité occulte comme manière de remettre de la vie dans le chaos

Le Gothique ressuscite
MargotRobbie, Zoë Kravitz, Lady Gaga… La pop culture ranime la tendance romantico-désabusée des 80s, comme un antidote contestataire au chaos ambiant.
Passion du noir, espoir?
C’EST LE FILM DONT TOUT LE MONDE ATTEND LA SORTIE AVEC IMPATIENCE.
Dans « Hurlevent » (en salle le 11 février 2026), adaptation du roman d’Emily Brontè réalisée par Emerald Fennell, Margot Robbie et Jacob Elordi incarnent les antihéros sulfureux de cette œuvre à l’inspiration gothique. L’acteur australien de 28 ans vient d’ailleurs de s’illustrer dans un autre rôle à la noirceur affirmée en interprétant la créature horrifique du « Frankenstein » de Guillermo del Toro. Un mélange de glamour et de zombie qui inspire aussi la réalisatrice Maggie Gyllenhaal: elle livrera l’année prochaine sa version de « La Fiancée de Frankenstein », « The Bride ! », avec un Christian Bale méconnaissable et l’actrice Jessie Buckley au sommet de son art.
Si les projets mélangeant gothique et fantastique se multiplient, c’est parce que le public répond favorablement à l’appel. Avec plus de 50 millions de vues en quatre jours lors de la diffusion de la dernière saison de « Mercredi », Netflix a raflé la mise, tout comme Jenna Ortega qui, lors de sa tournée promotionnelle, a multiplié les looks gothico-chics. C’est dans une robe trouée signée Gap par Zac Posen, dont la traîne évoque une toile d’araignée, que la comédienne s’est présentée, à New York en août dernier, au « Wednesday » Graveyard Gala (le gala du cimetière de «Mercredi ») afin de promouvoir la série, dont le casting accueille aussi la reine des néogoths, Lady Gaga. Avec six concerts français joués à guichets fermés le mois dernier, l’artiste américaine a embarqué son public dans «Mayhem Ball », un spectacle dans lequel squelettes, tête de mort géante et ex-voto illuminent la scène. Il y a quelques semaines, elle a même posé à côté d’oiseaux empaillés pour le magazine «Rolling Stone», habillée d’une robe noire signée Saint Laurent par Anthony Vaccarello.

La mode ne s’y est pas trompée, et les collections automne-hiver 2025-2026 revêtent une sensibilité crépusculaire. Rick Owens déroule ses silhouettes quasi architecturales, chaussées de cuissardes « DRKSHDW (« dark shadow »). Chez Carolina Herrera, l’obscurité se fait plus romanesque : les jupes noires en tulle volumineux s’associent à des chemises blanches aux manches ballon. Le designer turc Bora Aksu renoue, lui, avec un imaginaire victorien assumé, où les dentelles noires flirtent avec les visages voilés lors de funérailles imaginaires version couture. Chez Dilara Findikoglu, les créatures gothiques défilent en corset tandis que leurs bouches sont scellées artificiellement par un maquillage noir intense comme les ténèbres : « On évolue dans un environnement extrêmement anxiogène, analyse Corinne Denis, directrice de création du bureau de conseil LeherpeurParis. Les conflits sont partout, la menace d’une troisième guerre mondiale est permanente… Tout est source de stress. Le retour du gothique, c’est une manière d’apprivoiser cette angoisse, d’approcher la mort symboliquement, de la sublimer pour mieux la dépasser. On réintroduit de la spiritualité un peu occulte, comme une manière de remettre de la vie dans tout ce chaos.»
PAS TRES REJOUISSANT, DIREZ-VOUS ?
Sauf que cette esthétique gothique chic sert également à reprendre le pouvoir en se libérant des injonctions que prônent les réseaux sociaux depuis des années. Exit la « clean girl », sa peau impeccable et ses routines beauté qui n’en finissent pas, et place au baroque faussement cracra. « Au fond, c’est une réaction contre ce monde hyper hygiéniste où tout est lissé, filtré et uniformisé, explique Corinne Denis. Une forme de rébellion contre le positivisme obligatoire, la superficialité, le consumérisme et le standardisé. Nous avons tous besoin d’aspérités, de révéler nos failles et nos usures. La noirceur se teinte ici de poésie et d’émotion, et s’apparente davantage à de la profondeur. » Surgissent alors de nouvelles icônes du goth, de l’actrice Julia Fox avec ses tenues en cuir à Zoè Kravitz, égérie Saint Laurent Beauté, sans oublier FKA Twigs, qui ne jure que par les créations de la marque au nom aussi ténébreux qu’audacieux : Matières Fécales.
Si, côté pop stars, le rose bonbon est incarné, par exemple, par Sabrina Carpenter, ses contraires se nomment Billie Eilish ou bien encore Olivia Rodrigo, idole des ados, qui invite sur scène, au dernier festival de Glastonbury (Angleterre), le chanteur Robert Smith du groupe The Cure. « Le style gothique renvoie aussi à l’adolescence, analyse Corinne Denis, à ces années où l’on découvre Baudelaire, où l’on habite une forme de mélancolie. On s’autorise à regarder le côté sombre des choses. Cela fait écho aux questions très actuelles autour de la santé mentale : c’est peut-être une manière d’accepter sa fragilité, de laisser de la place à ses émotions, sans tabou. Transformer tout cela en quelque chose de créatif, c’est une forme de liberté, une façon de contrer le malêtre en l’esthétisant. » Une expression artistique que maîtrise Charli XCX qui, après avoir enflammé les dancefloors avec son album « Brat», s’apprête à retrouver la noirceur de ses débuts en signant la
bande originale du film « Hurlevent», qu’elle livrera sous forme d’album, comme elle l’explique sur l’application Substack : «Je veux plonger dans un univers résolument brut, sauvage, sexuel, gothique et torturé. Un monde à l’opposé de la vie que je mène.»
Par Stéphane Durand pour le ELLE
À lire aussi :
- En revue (ELLE) : Sublime Gothique – La spiritualité occulte comme manière de remettre de la vie dans le chaos
- L’Œil Paris Photo: réparer, revendiquer, désirer
- Les Communautés, nouveau moteur d’influence dans le secteur de la beauté – une étude avec Beauté Privée
- En revue (L’Express) : Lux Generation – Le futur de la bijouterie-joaillerie entre ancrage et révolution
- FOODTOPIA: Quand la food devient image


