LES GRANDS PARISIENS // CAROLINE PETIT, CÉRAMISTE ET FONDATRICE DE THREE SEVEN
Dans le cadre de notre conférence ‘Les Grands Parisiens’ du 27 Juin qui aura lieu chez ‘Les Grands Voisins’, nous sommes allés à la rencontre de parisiens intra et extra-muros qui font voir la vie en Grand. En avant-goût, nous partageons les histoires de celles et ceux que nous avons interviewé.
Le second portrait est celui de Caroline Petit. Elle nous a reçus chez elle, en plein cœur de Paris, enceinte de son deuxième enfant, pour nous raconter l’histoire de sa marque de céramiques Three Seven et le plaisir qu’elle a trouvé à ‘faire de ses mains’. Elle nous parle avec son cœur, qui jongle entre Paris et New York. Rencontre.
L’HISTOIRE DE CAROLINE
« J’ai changé de vie 10 fois. J’ai grandi à Paris, mes parents sont de Marseille et j’ai vécu 12 ans à New York. J’ai fait des études parce que je le voulais. J’ai obtenu une maitrise en sociologie et suivi des études en Sciences Politiques, puis, j’ai travaillé au planning stratégique chez TBWA à Paris et New York. Le rythme qu’impose la ville est très intense : je travaillais beaucoup, j’étais très stressée. A 24 ans, j’ai tout arrêté pour changer de trajectoire et expérimenter. J’ai changé de vie, en me dirigeant naturellement vers un métier manuel -je l’ai toujours été- et plus particulièrement vers des matières, comme le bois et le métal.
DE CHINEUSE À CÉRAMISTE
J’ai parcouru les routes de l’Amérique profonde, en camion avec mon mari, pour chiner de vieux meubles et objets à retaper. Comme je fais toujours les choses jusqu’au bout, nous avons créé notre marque, que nous avons appelée ‘Three Seven’ et qui sont, en anglais, nos chiffres portes-bonheur. Cette aventure m’a servie à construire la vie que j’ai choisi aujourd’hui. Nous sommes rentrés à Paris, mon mari et moi, notre enfant sous le bras. Il y a un an, j’ai fait quelques assiettes, comme ça, pour moi. Mon mari m’a convaincue de me lancer. Aujourd’hui, je suis maman et céramiste !
LE PLAISIR DE LA MAIN GÉNÉREUSE
On ne peut pas l’exclure, il y a un vrai bien-être à toucher, à travailler avec ses mains. C’est une satisfaction immédiate de faire tourner une assiette et de la voir exister à la fin. Beaucoup de jeunes changent de voie aujourd’hui, car c’est une génération qui a été envahie par le travail, contrainte à répondre dans la seconde aux emails urgents. Nous sommes aussi la génération qui a ouvert les yeux sur les dérives alimentaires et écologiques de la génération de nos parents. La vraie vie, ça n’est pas que le travail, les plats surgelés et le stress au quotidien ! Nos modes de vies et nos envies ont changé : nous cherchons des métiers plus en lien avec l’écologie et l’artisanat. On le constate au nombre d’épiceries bio ou de studios de yoga qui s’ouvrent. La société est en quête d’authenticité, de bien-être : elle a envie de bien manger, de connaître la provenance des aliments qu’elle trouve dans son assiette. On a envie de choses concrètes et de bien-être interne. On sort de la tendance des plats minuscules conceptuels proposés dans des assiettes carrées avec une giclure de vinaigre balsamique en décoration Aujourd’hui, on a envie et besoin d’une cuisine vraie et généreuse. C’est pareil pour le reste: on veut plus de vérité et de générosité.
SA VISION DE PARIS VS NEW YORK
Après avoir vécu 12 ans à New York, lorsque l’on revient en France, on a l’impression que notre pays vit avec un frein à main : tout est impossible ou trop compliqué. À Paris, on ne se renouvelle pas suffisamment, on reste sur nos acquis. Paris, c’est la tradition, le sans risque. Nous avons à Paris cette prétention culturelle qui fait qu’on ne se remet jamais en question. New York est une ville plus créative et la différence, c’est que personne ne se juge. La new yorkaise est complètement folle : elle peut avoir une plume sur la tête, tout le monde s’en fout. Si elle surprend quelqu’un, ce seront des touristes.
LE GRAND PARIS IDÉAL
L’idée du Grand Paris, je la trouve géniale mais ce sera compliqué. Si je compare une nouvelle fois avec New York, chaque banlieue – Queens, Brooklyn, Harlem – a une âme, son identité et une richesse culturelle. Ici, Paris est sublime et sa banlieue laissée à l’abandon. Je n’ai pas l’impression que ce soit dans nos gènes de parisiens de s’ouvrir. Nous n’avons pas cette mentalité du mix multiculturel comme celle que l’on trouve aux Etats Unis.
Pour faire bouger les choses, il faudrait capitaliser sur l’aspect culturel. Par exemple, ce serait génial et bénéfique d’ouvrir le plus beau musée de France à Sarcelles.
On pourrait aussi imaginer ouvrir des fermes participatives où chaque grand parisien pourrait avoir son bout de terre. Pourquoi pas, y ouvrir aussi des maisons d’hôtes ou des studios de Yoga pour donner envie d’aller voir plus loin que Paris. Mais à l’heure actuelle, qu’est-ce que je peux aller faire à Sarcelles ? »
Photographies © Neige de Benedetti