L’Oeil : Fashion REFRESH
Et si le véritable pouvoir créatif résidait désormais dans l’art de suggérer plutôt que de montrer ?
Pour cette Fashion Week SS26, les teasings se multiplient et redessinent déjà l’horizon créatif. Loin d’être de simples amuse-bouches visuels, ils deviennent des instruments stratégiques qui façonnent la perception des maisons avant même la présentation des collections. Chaque marque voit son identité se transformer sous le prisme de nouveaux directeurs artistiques, et ceux-ci insufflent une brise de fraîcheur qui donnerait presque envie de sauter l’hiver pour plonger directement en juin.
Ces teasings exprime une volonté commune : déplacer la mode vers d’autres territoires narratifs. Le produit s’efface pour laisser place à la sensation, l’archive devient matière culturelle, ou encore, la texture déborde d’émotion. Après ces chaises musicales de la mode, ces campagnes promotionnelles s’apparentent à des fragments d’univers en construction. Reste à savoir si ces teasings nourriront réellement la confiance dans la trajectoire des maisons, ou si ils demeureront des promesses encore à déchiffrer.
LOEWE : du vêtement au sensoriel
La maison Loewe propose un teasing SS26, où le produit s’efface au profit du sensoriel, presque charnel. La campagne, signée Jack McCollough & Lazaro Hernandez, fait fondre et ruisseler les frontières entre vêtement, corps et sensation. Portée par Megan Northam et Orlando Norman, et photographiée par Talia Chetrit, l’imagerie est vibrante et intense. La mode se rapproche ici de l’univers de la beauté et de la cosmétique, interrogeant notre perception même du vêtement : simple objet ou vecteur sensoriel ?
GUCCI : raconter au lieu de défiler
Chez Gucci, pas de défilé cette saison. À la place, The Tiger, un court métrage signé Spike Jonze et Halina Reijn. Demna Gvasalia choisit l’archive comme point d’ancrage, mais la détourne par une approche culturelle et artistique où l’histoire familiale devient un récit universel. La collection se raconte et se partage comme une expérience cinématographique plutôt qu’un défilé classique. Ici, le vêtement n’est plus l’unique protagoniste.
BOTTEGA VENETA : la matière comme langage
Sous la direction de Louise Trotter, Bottega Veneta poursuit sa quête de profondeur. Après avoir mis en lumière le geste et le savoir-faire artisanal, la créatrice déplace le focus vers la matière. Elle devient vecteur d’émotion. Une surface vivante qui semble se rapprocher de nous, presque palpable à travers l’écran. La maison confirme ainsi son attachement à une mode organique et sensorielle, pouvant traduire le tangible en expérience émotionnelle.
JIL SANDER : retour à la radicalité
Avec Simone Bellotti, Jil Sander convoque l’ADN radical de la maison. Le teaser de la collection SS26 affirme une pureté revendiquée : « Pureness as a mode, not a limit. » Ici, l’épuré n’est pas synonyme de contrainte, mais bien d’expression franche et entière. Produit par Bureau Betak et Bureau Future, sur une musique originale de Bochum Welt, le teaser dévoile une direction artistique où la rigueur devient poésie et où la radicalité ouvre un espace de liberté.
Entre récits visuels, esthétiques sensorielles et retour aux sources, ces teasings traduisent une mutation profonde du rôle des directeurs artistiques. Ils se changent en narrateurs capables de faire basculer la mode vers d’autres champs culturels.
Reste la question essentielle : ces fragments suffisent-ils à redéfinir durablement la perception des maisons et à fédérer de nouvelles communautés, ou demeurent-ils des promesses dont l’avenir seul confirmera la portée ?
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