Rencontre avec la créatrice Vanessa Schindler / Slow fashion motion

Rencontre avec la créatrice Vanessa Schindler, lauréate du grand prix du festival de Hyères, en 2017, et alchimiste de la mode.
En quête de réponses à tous ces questionnements sur l’engagement, LeherpeurParis a souhaité rencontrer la créatrice, diplômée de la HEAD (Haute école d’art et de design de Genève) et nourrie aux expériences chez Études Studio, Balenciaga ou Henrik Vibskov, Vanessa Schindler réinvente la couture classique en proposant une conception radicale d’assemblage, grâce à l’utilisation de l’uréthane. Polymère, figeant et fixant la matière, l’uréthane permet à la créatrice de sculpter un nouveau rapport au corps et au temps.

// /POUVEZ-VOUS NOUS PARLEZ UN PEU DE VOTRE TRAVAIL ? DE VOTRE SAVOIR-FAIRE ?

Après avoir abordé au cours de mes expériences, la production très artisanale et la dimension très commerciale du prêt-à-porter, j’ai eu envie de questionner plus profondément les manières de faire. À une époque où tout s’externalise, j’ai ressenti le besoin de faire quelque chose de mes mains, mais surtout de repenser la façon dont on montait le vêtement et de le faire de A à Z, de l’idée à la matérialisation finale. Cela fait plus de 100 ans que l’on assemble un vêtement de la même manière, je me suis donc demandé s’il n’était pas possible de chambouler ces schémas ancrés pour réinventer le montage d’une pièce et renouveler les finitions. Ma volonté fût de monter des vêtements sans couture. À la manière d’un sculpteur, de venir sculpter le vêtement comme s’il avait été directement moulé sur le corps. Au cours de mes recherches, j’ai découvert l’uréthane, un polymère qui sèche rapidement et qui par une absorption rapide du tissu permet de figer les fibres. Au cours de ces expérimentations, où ma casquette oscillait entre styliste et plasticienne, l’uréthane est devenu un moyen de souder les pièces, remplaçant le fil cousu par une technique de coupé-collé.

// /EN TANT QUE DESIGNER DE LA NOUVELLE GÉNÉRATION, PLUS RESPONSABLE, PLUS ENGAGÉE, QUEL EST VOTRE RÔLE ?

L’uréthane est un polymère soit une matière plastique qui s’oppose par sa composition aux démarches « éco-friendly » mais qui fait partie intégrante de mon process et que je ne peux remplacer pour l’instant. Néanmoins, cette question de la responsabilité, je l’envisage en permanence dans mon travail et si elle ne passe pas par la matière que j’utilise, elle s’exprime dans ma démarche ralentie de production ainsi que dans ma volonté de gérer la production de A à Z. Certes c’est un énorme challenge mais c’est une façon de réattribuer de la valeur et du temps aux choses. Je pense sincèrement qu’il est envisageable de faire le travail d’une autre manière, de chambouler des principes de bases de production. Dans un premier temps, en allégeant la production, en réduisant les démultiplications et les manipulations dans la fabrication d’un vêtement tout en valorisant le savoir-faire manuel et dans un second temps de se familiariser à nouveau avec la lenteur. Une lenteur, à réintroduire dans le process de production, pour rallonger la durée de vie et optimiser le capital affectif d’un produit. En repensant la chaîne de production et en la maitrisant de A à Z, on revalorise l’objet, le rapport à celui-ci et à soi-même, ce que le travail à la chaine ne permet pas.

// / COMMENT VOTRE PROCESSUS CRÉATIF, PEUT-IL FAIRE ÉVOLUER LES CHOSES ?

Pour ma part, je travaille plus à l’objet qu’à une idée globale de collection. Cela est plus compliqué de communiquer par rapport à ça mais c’est un moyen d’échapper à la pression des saisons, de prendre mon temps et de gérer l’ensemble du processus créatif. Je travaille davantage comme une designeuse d’objets que comme une vraie marque de prêt-à-porter. Le rôle de jeune créateur, comme moi, c’est d’essayer de contrebalancer avec cette vitesse effrénée du système de la mode et cette guerre des prix les plus bas pour repenser la relation avec un produit de mode. De capitaliser sur des produits qui auront pris plus de temps à être conçus, qui couteront certainement, plus cher, mais pour lesquels on aura plus d’attaches, de respect et que l’on cherchera à entretenir et à transmettre. Un objet de mode, au sens où je l’entends, ça se transmet et ça s’inscrit dans la durée.

Crédits photos : Philippine Chaumont & Chaumont Zaerpour sur http://vanessa-schindler.com